Les élu·es CGT interpellent le nouveau Directeur Général en CSEC
Monsieur le Directeur général,
Vous avez été nommé le 3 septembre 2025 dans un contexte politique particulièrement instable.
Le 26 juin dernier ce sont les salarié·es de l’AFPA qui se sont fortement mobilisé·es : 700 salarié·es de toutes les régions manifestaient à Paris avec un taux de grévistes historique de 62%., ce qui prouve l’attachement des salarié·es à l’AFPA.
Ce même jour, les organisations syndicales étaient reçues par le directeur de cabinet du ministère du travail qui a, entre autres, salué la mobilisation mais surtout reconnu les inquiétudes légitimes portées par les salarié·es. Néanmoins, les annonces faites ce jour, n’ont absolument pas été rassurantes : des “efforts importants” seraient exigés, traduits par :
- Environ 1500 départs à la retraite non remplacés d’ici 2029,
- Des cessions immobilières, des fermetures ou regroupements de centres,
- La réduction de l’offre d’hébergement et de restauration,
- Une pression accrue pour réduire la subvention d’équilibre d’ici 2029 (160 M€aujourd’hui, visée à 0 en 2029 !),
- Le repositionnement de l’AFPA sur les marchés privés et l’apprentissage, sans clarification des moyens.
Ces « mesures difficiles », dixit le directeur de cabinet, s’ajoutent aux sacrifices déjà consentis depuis 2006, lors du transfert de la compétence formation aux régions, soit une grande partie de notre financement…
L’AFPA ne va pas fermer, disent-ils. Mais tout n’est-il pas déjà organisé pour un lent rétrécissement de son périmètre, de ses missions, et de ses moyens… ?
Sans vision claire pour l’AFPA, ni de budget pour fonctionner, l’inquiétude demeurera et pour cause :
Commençons par l’argent… sujet qui fâche toujours !
Sur le plan économique, l’AFPA subit une dégradation régulière de son chiffre d’affaires. La commande publique diminue, sans compter la réduction des budgets formation des conseils régionaux, la problématique des modalités de financement et de la mise en concurrence accrue entre organismes de formations, fragilisant durablement l’ensemble du secteur.
Et quand les caisses se vident, devinez qui trinque ? Les salarié·es, évidemment !
D’abord sur le plan des conditions de travail, ils subissent une pression croissante : injonctions de polyvalence, de mobilités géographiques et/ou professionnelles… etc
Des entretiens pouvant conduire à sanction se multiplient, souvent pour des motifs fallacieux comme l’insuffisance professionnelle. Le nombre d’arrêts maladie augmente, parfois jusqu’au départ pour inaptitude. De plus, le turnover n’a jamais été aussi important, principalement chez les formateurs et les commerciaux.
Ne soyez ni sourd, ni aveugle face à la souffrance et à l’inquiétude des salarié·es.
Et comme si cela ne suffisait pas, on leur demande d’avancer à marche forcée.
Les objectifs de développement du marché privé, à hauteur de 60% versus 40% pour la commande publique, s’imposent dans un rythme contraint. L’appétence des entreprises se heurtent souvent à des plateaux techniques vieillissants et à l’absence de moyens pour les mettre à niveau. Les formateurs n’ont plus le temps de se former aux évolutions inhérentes à leur métier et à se consacrer aux stagiaires.
Cerise sur le gâteau : l’alternance, pourtant censée être l’avenir pour l’AFPA, peine aussi à décoller. Et ce n’est pas un hasard. La réduction drastique des aides aux apprentis a fragilisé les TPE et PME, qui sont pourtant les premières à pouvoir accueillir et former ces jeunes.
Contrairement aux grands groupes, qui continuent de bénéficier de soutiens massifs, les petites structures ne sont pas accompagnées et se retrouvent face à des charges impossibles à assumer et dans la difficulté à recruter des personnes qualifiées.
Résultats : faute de moyens financiers et d’un service commercial à effectif réduit, les objectifs deviennent intenables. Les formateurs, déjà sous pression, n’ont plus le temps de tisser des liens solides avec les entreprises ni même d’assurer les visites de suivi, pourtant indispensables à la réussite des parcours. L’alternance, qui devrait être un levier majeur pour préparer l’avenir, se retrouve ainsi entravée par des choix politiques qui privilégient les plus gros acteurs au détriment du tissu local.
Alors que faudrait-il ? Pas un miracle : juste un peu de bon sens.
L’Afpa a besoin à nouveau d’une véritable reconnaissance en tant qu‘opérateur historique de la formation professionnelle qualifiante indispensable à la société.
La CGT a toujours revendiqué pour l’AFPA un COMP, avec des moyens humains et financiers, renforçant ainsi ses missions de service public et non pas un COP.
Les tutelles doivent comprendre que réduire le financement de la formation tout en encourageant une concurrence peu scrupuleuse, c’est scier la branche sur laquelle tout le monde est assis. Ce sont les publics les plus précaires et les plus éloignés de l’emploi qui en paieront le prix. Sans oublier les entreprises, notamment les TPE et PME qui comptent encore sur l’AFPA pour former leurs salarié·es !
Faut-il rappeler que l’Afpa possède de nombreux atouts, en voici plusieurs :
- Sa capacité à s’adapter depuis sa création, aux besoins de la société
- Un taux de retour à l’emploi en 2023 de 72,5 % (contre 55,1 % pour les autres organismes de formation -chiffres 2024 – de FT)
- Ses salarié·es qui, malgré de nombreuses attaques subies et les coupes budgétaires des dernières décennies, continuent de s’investir et de s’engager dans la mission de service public et préservant ainsi un outil unique au service de l’émancipation, de la qualification, et de la reconversion des publics les plus fragiles.
- L’étude du cabinet KOREIS qui a démontré l’utilité sociale de l’Afpa avec un taux de retour à l’emploi de premier plan à l’issue de nos formations. Moralité ? Financer l’Afpa coûte moins cher que de s’en passer : à volume constant, chaque personne formée crée un excédent budgétaire. Diminuer l’AFPA, c’est payer deux fois : chômage plus long et coûts plus élevés pour les finances publiques.
- Son maillage territorial qui permet de garantir l’accès à la formation pour toutes et tous, sur l’ensemble des territoires.
- Ses missions nationales de service public, dont la certification des titres professionnels.
Alors, Monsieur le Directeur Général, quel directeur serez-vous ?
Serez-vous le directeur qui saura s’émanciper des tutelles pour développer l’AFPA, en refusant toute politique de rétrécissement ?
Montreuil le 24/09/2025