Le Conseil d’État donne raison à SUD et à la CGT à propos du PSE à l’AFPA

loi justice

Ce n’est pas parce qu’on est ministre du Travail et directrice générale de l’AFPA qu’on est au-dessus des lois. Ainsi, vient d’en décider, dans un jugement définitif du 23 mars 2023, le Conseil d’État.

Quel était l’enjeu ?

Ni plus ni moins que la prise en compte des risques que font peser, sur les salariés, les réorganisations et autres suppressions d’emplois dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi”.

Ce que dit l’arrêt du Conseil d’État.

L’administration, à savoir la DREETS, n’a pas “procédé ou contrôle du contenu du document unilatéral qui lui incombait afin de vérifier le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs”.
En conséquence, l’homologation du PSE est entachée d’illégalité et doit être annulée.

Souvenez-vous.

En octobre 2018, la directrice générale présentait aux représentants du personnel son projet de réorganisation et son “Plan de sauvegarde de l’emploi” actant des suppressions massives d’emploi et des fermetures de centres. Une annonce brutale qui avait plongé de nombreux salariés dans un grand désarroi (allant même jusqu’au suicide d’un de nos collègues).
Pour mettre en place rapidement ce projet et son PSE, la direction de l’AFPA tente d’obtenir un accord avec les syndicats. La tentative échoue, car 2 syndicats seulement acceptent cette entreprise de démantèlement.
La CGT et SUD s’y opposant fermement. Faute d’accord, la direction de l’AFPA est alors contrainte de demander à l’administration (DIRECCTE devenue DREETS depuis) l’autorisation de mettre en œuvre son PSE unilatéral (homologation).
L’ICCHSCT avait alors saisi le tribunal judiciaire (le premier niveau de la justice, en l’occurrence ici, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny) qui avait condamné la direction de l’AFPA, le 27 juin 2019, à suspendre son projet de réorganisation jusqu’à :

  • l’évaluation précise des risques psychosociaux en lien avec les tâches et la charge de travail supplémentaires supportées par les salariés et
  • la présentation d’un plan de prévention des risques.

Cette décision de la justice oblige la direction de l’AFPA à retirer sa demande d’homologation du PSE.

Dans sa volonté de supprimer des emplois, la direction de l’AFPA s’est entêtée et a voulu passer en force. Après avoir rapidement bricolé un document d’évaluation et de prévention des risques (500 pages de vide sidéral – aucun mot sur la charge de travail à l’exception de la partie relative à l’ingénierie) et l’avoir présenté à l’ICCHSCT et au comité central d’entreprise (qui l’ont repoussé), la direction de l’AFPA demande une seconde fois l’homologation.
La DIRECCTE (administration qui dépend du ministère du Travail, tout comme l’AFPA ! ) qui n’attendait que cela, homologue le PSE qui peut alors être mis en œuvre. La CGT, SUD et un collectif de salariés avaient alors saisi le Tribunal administratif de Montreuil pour faire annuler cette homologation en raison principalement de l’absence d’un vrai plan de prévention, et c’est un point final que vient de mettre le Conseil d’État à cette longue procédure judiciaire (dont nous vous épargnerons les détails).

Qu’est-ce que ça change ?

Pour les salariés de l’AFPA, seuls les salariés licenciés dans le cadre du PSE et qui ont entamé une procédure de contestation de leur licenciement auprès du Conseil de Prud’hommes (CPH) pourront s’appuyer sur l’arrêt du Conseil d’État pour demander des indemnités. Pour les autres salariés, rien ne change.
Pour les salariés d’autres entreprises confrontées à un PSE, plus question que les RPS soient oubliés ou traités à la va-vite lors d’un PSE. La DREETS devra non seulement contrôler, mais aussi vérifier que l’entreprise remplit bien ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Un PSE mené dans la douleur, pour quels résultats ?

C’est la question que beaucoup de salariés se posent. Car si ce PSE finalement non homologué a mis les moyens pour financer les départs volontaires, pour ceux qui restent la facture est salée.
Les promesses de retour à l’équilibre sont très loin d’être tenues et les conditions de travail toujours aussi difficiles avec une précarité accrue et des RPS qui n’ont pas disparu, loin de là.
Et que dire de l’évaluation de la charge de travail consécutive au plan de réorganisation et demandée en 2019 par le tribunal ? 4 ans après, elle est toujours en cours. La preuve que la santé des salariés n’est toujours pas la priorité de la direction de l’AFPA !

Montreuil, le 26 avril 2023


On en parle dans les médias…

Michel Abhervé dans son blog :

“La plus haute juridiction administrative met à la charge de l’État l’indemnisation, à hauteur de 750 €, des syndicats SUD FPA Solidaires et CGT-AFPA, qui ont porté cette procédure gagnante. Si la condamnation est importante, les sommes sont vraiment insignifiantes par rapport à celles que l’AFPA a versées au cabinet Roland Berger qui a accompagné la restructuration de l’Agence sans assurer, malgré des honoraires de 4,6 millions d’euros, la sécurité juridique qu’on est en droit d’attendre pour ce prix.
Ce désaveu d’Élisabeth Borne intervient au moment précis où la loi sur les retraites qu’elle a portée jusqu’à engager la responsabilité de son gouvernement est soumise à la vérification de sa conformité avec la Constitution par le Conseil Constitutionnel. Une indication sur l’absence de maitrise juridique de ses équipes ?”

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Lien vers le podcast : On n’arrête pas l’éco sur France Inter

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Dépêche AEF du 23 mars 2023 :

“C’est le dernier rebondissement juridique en date dans le feuilleton de la restructuration de l’Afpa engagée en octobre 2018, après les contentieux portant sur la communication des documents à l’expert du CSE et sur l’évaluation des risques dans le cadre du plan de réorganisation.
À l’origine du litige que vient de trancher le Conseil d’État, les syndicats Sud et CGT de l’Afpa, ainsi que des salariés, contestaient devant le juge administratif la décision du Direccte, le 13 décembre 2019, d’homologuer le document unilatéral fixant le contenu du PSE de l’Afpa.”

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Actuel CSE

“Ces principes, inédits, appellent plusieurs remarques.

Tout d’abord, le Conseil d’État conditionne la présence dans le PSE de mesures relatives aux risques psychosociaux au constat que la réorganisation fait peser de tels risques sur les salariés. Cela devrait être assez systématique, dans la mesure où un plan de licenciement collectif est par nature anxiogène pour les salariés.

Ensuite, une incertitude demeure quant au constat de la nécessité de telles mesures. Le Conseil d’État ne précise pas clairement si cette conclusion doit émaner de l’employeur, du CSE ou être partagée. En tout état de cause, si le CSE conclut à la présence d’un risque, l’employeur a tout intérêt à prévoir des mesures en ce sens dans le PSE.

Enfin, s’il intègre des mesures de lutte contre les risques psychosociaux dans le PSE, l’employeur ne peut pas se contenter de déclarations d’intention, ou de mesures vagues : le PSE doit en effet, dans ce cas, prévoir des engagements précis et concrets, proportionnés à l’ampleur du projet et aux moyens de l’entreprise ou, le cas échéant, du groupe.”

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